En week-end dans la région picarde, nous profitons d’une belle météo pour explorer l’estuaire en effectuant la traversée de la Baie de Somme à pied.

S’il n’est pas nécessaire d’être accompagné pour marcher dans la Baie de Somme, nous avons préféré réserver une sortie guidée pour en apprendre un peu plus sur son histoire, ainsi que sur la faune et la flore locales… mais aussi pour éviter de se retrouver coincés dans les sables mouvants! Si si ça arrive…

Le départ du Crotoy

Ce matin, nous avons donc rendez-vous à 10h au pied des écluses du Crotoy, petite ville portuaire de la Baie de Somme.

Le Crotoy
Le Crotoy

Nous suivrons notre guide, Arnaud, et sa chienne June, du Crotoy jusqu’à Saint-Valéry-sur-Somme qui se situe de l’autre côté de la Baie de Somme.

Traversée de la Baie de Somme
June, qui nous accompagne pour la Traversée de la Baie de Somme

Nous avions reçu pour consigne de nous équiper de vêtements coupe-vent, imperméables, bottes de pluie…
Mais il fait beau et chaud ce matin et rien de tout cela ne nous semble nécessaire. Nous laissons dans le coffre de la voiture bottes et cirés que nous troquons contre des chaussures légères et un gros tube de crème solaire.

La météo est particulièrement clémente ce matin, nous confirmera le guide qui vient de nous rejoindre, précisant que contrairement à ce que l’on peut penser, ce n’est pas tellement ce grand soleil qui rend la journée agréable, mais l’absence de vent, très exceptionnelle en Baie de Somme.

Arnaud introduit la balade en nous expliquant les raisons pour lesquels le tourisme s’est récemment développé en baie de Somme. Il y a quelques années encore, les villages du coin vivaient surtout de leur activité portuaire : des centaines de bateaux de pêche ou de commerce accostaient aux ports de Saint-Valéry-sur-Somme ou du Crotoy.

Aujourd’hui il n’en reste plus que quelques-uns. Le célèbre bâteau Saint-Antoine-de-Padoue, que l’on peut observer sur le port du Crotoy, est l’un des derniers témoins de cette activité quasiment disparue.

Saint-Antoine de Padoue au Crotoy

Car depuis les années 80, la concurrence accrue d’autre ports, ainsi que le phénomène d’ensablement de la Baie de Somme ont transformé ces ports commerciaux en ports de plaisance. Faire de la Baie de somme une destination touristique est alors apparu comme la meilleure solution pour sauver l’économie locale.

Et dans cette optique, le faible développement économique et industriel du département est devenu un atout : relativement épargnée par l’homme, la Baie de Somme offre à ses visiteurs une nature sauvage et presque intacte.

Du moins pour le moment…

Traversée de la Baie de Somme à pied

Mais l’ensablement de la baie de Somme menace ces nouvelles activités touristiques.

Au fur et à mesure des marées montantes et descendantes, la mer charrie dans la baie plus de sable qu’elle n’en remporte avec elle en se retirant, augmentant d’environ 4cm par an le niveau du sable dans la baie!

Des simulations ont été réalisées et les scientifiques estiment que d’ici une vingtaine d’années, la Baie de Somme ne sera plus qu’une vaste étendue d’herbe.

Nous prenons le départ peu après 10h30, et, tout de suite, Arnaud tient à nous mettre en garde contre les dangers de s’aventurer seul dans la Baie de Somme.

Aussi, par mesure de sécurité…

Il est impératif d’être de retour sur la terre ferme au plus tard 3h30 avant la marée haute

Traversée de la Baie de Somme à pied
La traversée de la Baie de Somme à pied

Car la Baie de Somme est un estuaire, c’est-à-dire l’embouchure d’un fleuve (la Somme) sur la mer (La Manche) et, à la différence de ce que l’on peut observer en bord de mer, la marée monte ici en formant ce qu’on appelle un mascaret, sorte de vague déferlante qui se forme dans certains estuaires par la rencontre du courant descendant du fleuve et du flot montant de la mer).

Cette vague peut être plus ou moins haute selon le coefficient de marée (qui peut varier de 20 à 100), et ce phénomène peut être particulièrement dangereux car le niveau de l’eau dans l’estuaire s’élève d’un coup, de tous les côtés à la fois, à la différence d’une montée progressive et linéaire du niveau de l’eau en bord de mer.

Comme dirait notre guide, sans doute pour nous effrayer un peu…

« Lorsqu’on voit le mascaret arriver, il est déjà trop tard… »

L’eau progresse alors à une vitesse d’environ 10km/h, ce qui est particulièrement rapide, et cela cumulé aux phénomènes de sables mouvants que l’on peut rencontrer dans la baie rendent la progression très dangereuse en phase de marée montante.

La Baie de Somme à pied

Une fois descendus dans la baie, nous nous retrouvons très vite les pieds dans l’eau. Partis du Crotoy, nous devons atteindre Saint-Valéry-sur-Somme, à 3km de distance. Seulement la baie de Somme n’est pas une vaste étendue plate, et pour éviter d’avoir à escalader sans arrêt des tas de sable de 2 ou 3 mètres de hauteur, nous parcourrons environ 6km.

La faune et la flore en Baie de Somme

Au fur et à mesure de la traversée, notre vocabulaire s’enrichit…

L’estran est la partie du littoral située entre le niveau minimal et le niveau maximal de remontée des eaux en fonction des coefficients de marée.

On y distingue deux types de terrains. La slikke est la partie immergée quotidiennement lorsque la marée remonte. Tandis que le shorre, plus en hauteur, n’est immergé que lorsque les coefficients de marée sont importants.

Arnaud nous fait découvrir une à une toutes les ressources naturelles de la Baie de Somme…

La rencontre de l’eau douce du fleuve avec l’eau salée de la mer forme ce qu’on appelle une eau saumâtre. Légèrement salée, cette eau est propice au développement de plantes halophiles ou halophytes (du grec halos, sel et philein, aimer), qui aiment le sel.

On récolte dans la baie des plantes différentes selon leur degré de résistance au sel : les moins résistantes poussent sur les parties les plus élevées de l’estran tandis que les autres pourront se développer sur les parties les plus immergées de la baie.

Parmi elles, la plus connue est sûrement la salicorne, mais d’autres variétés sont également consommées, telles que l’Aster maritime, aussi appelé oreilles de cochon ou encore l’Obione.

Arnaud nous fera goûter à chacune d’entre elles, et nous constaterons qu’effectivement leur teneur en sel est plus ou moins marquée selon l’endroit où elles se trouvent.
Toutes ces plantes sont récoltées par des pêcheurs à pieds qui vivent de leur vente, mais aussi de coques ou autres crustacés que l’on trouve dans la Baie de Somme à marée basse.

Les pêcheurs à pieds embarquent leurs marchandises sur des vélos désossés, auxquels il ne reste plus que le cadre et les roues, et qu’ils chargent des sacs remplis de ces produits typiques de la Baie de Somme.

Pêcheur à pied de la Baie de Somme
Pêcheur à pied de la Baie de Somme

Nous poursuivons notre traversée de la Baie de Somme à pied et, un peu plus loin, nous croisons de drôles de canards, parfaitement immobiles!

Arnaud nous éclaire très vite sur la raison de leur présence ici.

Appellants en Baie de Somme

Ces faux canards sont en fait des « appelants ». Ils sont utilisés par les chasseurs de la Baie de Somme qui comptent sur le fait que la présence de faux congénères attirent de vrais canards près de leur emplacement.

Notre guide nous apprend en effet que la plupart des oiseaux de la baie fonctionnent de même pour repérer les endroits où ils pourront se nourrir.

Dans le même genre, une autre technique est utilisée par les chasseurs pour attirer les canards : ils mettent dans une cage un canard vivant dont les cris vont également attirer d’autres canards.

Une fois ces dispositifs installés, le chasseur attend ses proies, de nuit, dans une hutte fixe, ou un hutteau  flottant pour rester à la surface de l’eau lorsque la marée monte.

La traversée de la Baie de Somme

Plus nous avançons, et plus le terrain devient glissant….

Sur quelques passages nous aurons besoin de l’aide du guide pour ne pas finir les quatre fers en l’air dans la vase.

Les pieds dans la vase en Baie de Somme

Puis, très vite, nous abandonnons nos chaussures pour finir la balade pieds nus.

Peu avant l’arrivée, nous apercevons de loin un impressionnant troupeau de moutons en train de paître dans la baie.

Moutons des prés salés
Moutons des prés salés en Baie de Somme

Arnaud nous précise qu’il s’agit de moutons « prés salés », appellation liée bien sûr à leur alimentation à base de plantes halophiles. Cette spécialité locale est commercialisée dans la baie de Somme sous le nom d’ « agneau d’estran » car l’appellation « pré-salé » est déjà utilisée par les moutons de la baie du Mont-Saint-Michel.

L’Arrivée à Saint-Valéry-sur-Somme

La traversée se termine au village de Saint-Valéry-sur-Somme

Saint-Valéry-sur-Somme
Saint-Valéry-sur-Somme

Il est 14 heures passées et nous sommes affamés …

Nous nous dirigeons vers la ville pour déjeuner de moules marinières – frites, puis profitons de l’heure qu’il nous reste avant le départ du train pour visiter la ville.

Saint-Valéry-sur-Somme

Nous repartons de Saint-Valéry-sur-Somme par le train à vapeur.

Très (trop) touristique… nous avons même du mal à y trouver une place assise dans ce train qui dessert tous les villages de la baie de Somme.

Train à vapeur de Saint-Valéry-sur-Somme
Train à vapeur de Saint-Valéry-sur-Somme

Il nous faudra environ 1h pour parcourir les 12km qui nous séparent du Crotoy, notre point de départ.

Liens utiles

> Le site de Sébastien & Arnaud, guides nature en baie de somme : traversee-baiedesomme.com

> Sortie nature  Traversée de la Baie de Somme à pied